Télétravail : un juste équilibre à trouver en sortie de confinement

17 juin 2020

Télétravail : un juste équilibre à trouver en sortie de confinement

Le télétravail a été déployé de manière généralisée en un temps record durant la crise sanitaire du printemps 2020. Il est désormais temps pour les entreprises d’en tirer un premier bilan, et de passer d’un télétravail « subi » à un télétravail piloté et organisé.


Depuis 3 mois, le télétravail est devenu le quotidien de millions de Français. Instauré à grande échelle durant le confinement, il a permis aux entreprises qui l’ont déployé, non sans difficultés, de continuer leurs activités.
La crise sanitaire du Covid-19 a généralisé ce mode d’organisation du travail qui va en partie perdurer dans le temps pour nombre d’entre elles.
Le télétravail deviendra-t-il la nouvelle norme de demain ? Comment a-t-il pu être réalisé durant le confinement? Sera-t-il inévitable à l’avenir ?

 Un télétravail largement outillé

La crise sanitaire que nous traversons est sans précédent. Les entreprises ont dû organiser en urgence le déploiement du télétravail pour des millions de français, et cela n’a pas été si simple. Si des manques ont été mis en évidence à cette occasion par les entreprises (absence de plan de continuité d’activité, contraintes liées au matériel non adapté…), ces dernières ont pu faire face notamment en s’appuyant sur une offre d’outils web conséquente et relativement mature.

Les grands acteurs du secteur du travail collaboratif ou du travail à distance proposent en effet aujourd’hui des solutions packagées intégrant tous les outils nécessaires à l’efficacité de ce mode de travail. On peut ainsi citer Microsoft avec Office 365, Google avec G Suite ou encore des acteurs indépendants comme Slack. Des solutions (parfois open source), plus limitées en termes de fonctionnalités, existent également comme JITSI (vidéo conférence) ou Klaxoon. Les éditeurs ont d’ailleurs cherché à élargir leur panel de services pour satisfaire la demande à l’instar de Google qui a ouvert l’accès à l’outil Meet de G Suite, ou qui propose depuis peu une mosaïque d’affichage des participants sur ce même outil.

Tous ces outils ont été soumis à un véritable stress-test avec le confinement. Force est de constater que la plupart d’entre eux ont réussi ce test, faisant face à une réelle explosion de la demande en terme de nombre d’utilisateurs même si certains éditeurs ont rencontré quelques couacs. Les derniers les plus marquants concernent Teams avec une panne européenne de 3h pour cause d’un certificat de sécurité non renouvelé ou encore Zoom avec une faille de sécurité largement relayée dans la presse.

Le télétravail, un nouvel Eldorado pour certains…

Depuis des années, le télétravail se met en place sous le prisme principal de l’amélioration de la qualité de vie au travail des salariés en leur permettant de mieux concilier leur vie professionnelle et personnelle. Ces modalités de travail permettent effectivement de répondre à certaines contraintes ou difficultés que peuvent rencontrer les collaborateurs (problème de garde d’enfant, réduction du temps de trajet quotidien, déménagement…). Un confort qui permet aux salariés d’être moins stressés, plus reposés, plus autonomes dans leur organisation et donc plus efficaces et productifs.

La mise en place de ce dispositif en période « normale », de manière pilotée et organisée, est vue dans les entreprises concernée comme facteur d’une nette amélioration de la satisfaction de leurs salariés, d’une augmentation de leur performance globale ainsi que d’une baisse de leur taux d’absentéisme[1]. Les bénéfices peuvent même aller au-delà en fonction du nombre de collaborateurs concernés et de la proportion de temps en télétravail, et peuvent se traduire en gains économiques liés à la réduction de l’emprise foncière voire même en une réduction de l’empreinte carbone due à la baisse des allées et venues au bureau.

Le télétravail est donc vecteur de nombreux bénéfices autant pour les entreprises que pour les collaborateurs. Certaines grandes sociétés l’ont bien compris comme PSA qui va désormais plus loin en généralisant cette pratique pour toutes ses activités hors production. L’entreprise française se fixe ainsi un objectif de l’ordre de 1 à 1,5 jours en présentiel en moyenne par semaine pour environ 80 000 salariés.

… Quand d’autres font machine arrière

Cependant, même si le principe du télétravail et ce qu’il autorise, est globalement perçu positivement par la plupart des structures et des salariés, certaines entreprises commencent à revenir sur leur décision après plusieurs années de mise en œuvre. C’est notamment le cas d’IBM qui avait pourtant été l’un des pionniers en la matière, son programme de soutien au développement du télétravail datant de plus de 20 ans (1998). Ainsi en 2017, 40% des 386 000 salariés d’IBM travaillaient principalement à distance. Cependant, cette modalité de travail a finalement été identifiée comme un facteur de perte de créativité, créativité plus que nécessaire pour une entreprise du monde technologique. Ainsi, la firme préfère à présent rapatrier ses collaborateurs dans ses bureaux. IBM n’est pas le seul dans ce cas : Yahoo, Honeywell International ou encore l’assureur Aetna reviennent également sur la place jugée trop importante du télétravail dans leurs organisations…
Le travail à distance, si il est trop important, peut donc nuire à l’activité des entreprises : outre l’impact sur la créativité des collaborateurs, l’absence physique complexifie l’organisation du travail ou l’avancée de certains projets. Du fait de la distance, l’employeur aura moins de visibilité et moins de leviers managériaux sur l’activité de ses salariés.

Les relations humaines peuvent également être affectées. En effet, cette pratique éloigne géographiquement les collaborateurs et peut ainsi entraîner un éloignement social. Ce manque d’interaction peut avoir des conséquences sur la motivation et la productivité des collaborateurs. Pour éviter le développement d’un sentiment d’abandon, il est nécessaire que l’entreprise prépare et organise le télétravail, en collaboration avec les représentants des salariés et la direction des ressources humaines. Le développement du télétravail doit également être associé à un plan d’accompagnement des salariés. Cette préparation doit permettre notamment d’orienter, d’aider et d’interagir avec les salariés à distance pour continuer à les intégrer à la vie de l’entreprise.

Au-delà, le télétravail ne peut pas être instauré dans toutes les organisations et pour tous les corps de métier. Son intégration nécessite une capacité d’investissement, tant financier que technologique. Les entreprises doivent être en capacité d’équiper chaque télétravailleur du matériel informatique adéquate (PC portable, écran, téléphone…) et d’assurer leur bon fonctionnement à distance. Cela peut nécessiter d’importantes adaptations informatiques pour assurer la sécurité de chaque poste de travail (accès en réseau privé virtuel – VPN -, double authentification…). Le salarié quant à lui doit bénéficier d’une connexion internet suffisante afin d’avoir accès à l’ensemble des outils et informations de l’entreprise nécessaires à la réalisation de son travail.

 

Le télétravail présente de nombreux avantages, surtout en période de crise comme celle que nous traversons aujourd’hui. Cependant, les expériences des uns et des autres montrent qu’il ne peut être pensé comme la seule modalité de travail d’une entreprise. Il doit être pris comme une composante parmi d’autres, et un équilibre est à trouver entre travail à distance et travail en présentiel. Cet équilibre dépendra bien entendu de l’activité de l’entreprise, de ses spécificités ainsi que de sa culture Le développement de télécentres ou encore d’espaces de coworking, en parallèle du télétravail à la maison, peut également s’avérer utile et bénéfique tant pour les sociétés (assurer une certaine créativité, maintenir l’engagement et la motivation des salariés) que pour les salariés (garder un minimum de lien social). La période de déconfinement devrait permettre aux entreprises de préciser leur positionnement sur ces questions et de passer d’un télétravail généralisé « de crise », subi, à un télétravail organisé et adapté.

 

Article rédigé en télétravail

L.Pajaud, G. Delatre & JM Duphil

 

[1] www.gerep.fr/2020/01/09/le-teletravail-contre-labsenteisme


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